Introduction
La prise de conscience de l’impact de l’homme sur son environnement ainsi que l’urgence annoncée de diminuer son empreinte ont mené un grand nombre d’organismes à proposer des scénarios de décarbonation de l’économie. La plupart visent un objectif de neutralité en 2050 et établissent des feuilles de routes sectorielles pour y parvenir.
En matière d’aménagement du territoire, les études conduites en France sont généralement élaborées à partir d’un diagnostic des émissions établi selon la méthode du Bilan Carbone territorial. Elles aboutissent pour la plupart aux mêmes conclusions et préconisations :
- L’accent est mis sur la nécessité d’une rénovation massive du parc bâti existant ainsi que sur une réduction plus ou moins conséquence de la construction de locaux neufs (Rieser et al., 2021).
- Ces études préconisent par ailleurs de mettre en place des politiques de mobilité en faveur :
- d’une montée en puissance des modes de déplacement doux et alternatifs à la voiture individuelle (covoiturage, système de Transport en Commun, politique vélo) ;
- d’un soutien aux innovations technologiques pour faire baisser les émissions dues au matériel roulant (électrification du parc, diversification des sources d’énergie décarbonées, baisse du poids des véhicules).
- Très peu émettent l’hypothèse d’une optimisation de la localisation relative des lieux d’activités, des emplois et des logements afin de faire émerger une géographie et un aménagement des territoires moins générateurs de déplacements. On peut en effet s’interroger : du point de vue de la neutralité carbone, vaut-il mieux construire neuf en centralité ou rénover en périphérie ?
Si la méthode du Bilan Carbone territorial présente un intérêt du point de vue des décideurs pour construire un tableau de bord des émissions actuelles à partir de données empiriques, son caractère sectoriel peut se révéler un handicap pour concevoir des politiques globales et projeter leurs impacts sur les évolutions futures des émissions (Wiedmann & Minx, 2008).
Par exemple : lorsque qu’un habitant du territoire de La Rochelle décide d’emménager dans un logement neuf, il est amené à choisir parmi un ensemble d’options qui auront un impact systémique sur son empreinte carbone : quelles seront les performances énergétiques de l’exploitation du bâtiment construit ? Quel sera le bilan carbone de la construction selon les systèmes et procédés constructifs employés ? Mais également, quelles seront les émissions liées aux mobilités induites par la localisation de ce bâtiment, qui lui permettront, lui et ses proches, d’accéder aux aménités, emplois et services du territoire ? Nous avons conduit, sur le territoire du SCoT La Rochelle Aunis, une modélisation fine, au carreau 200m x 200m, des comportements de mobilité des habitants selon leur lieu de résidence. Les mobilités domicile – travail, mais également pour tous les autres motifs, ont été décrites et quantifiées (distance parcourue, mode, temps de parcours, fréquence et probabilité de réalisation), ce qui a permis d’évaluer les émissions induites selon le lieu de vie des ménages.
Les émissions moyennes par an et par habitant ainsi calculées pour les mobilités quotidiennes présentent des disparités territoriales fortes (Lempérière et al., 2024): elles varient de moins de 1 tCO2eq/an au centre de La rochelle à plus de 7tCO2eq/an pour les localisations les plus reculées du territoire du SCoT. De tels résultats amènent à comparer, pour un bâtiment donné, les émissions liées à sa construction / rénovation, et à son exploitation, aux émissions liées aux mobilités induites par sa localisation géographique. Si l’étude que nous avons menée l’étude sur les mobilités prenait comme unité de base les individus, prendre le logement comme point de comparaison nous invite à passer d’une analyse de l’empreinte des individus à celle des ménages.
Cet article est construit en 3 parties. Nous décrivons de façon synthétique la méthodologie adoptée pour déterminer les émissions directes de la construction, de la rénovation et du chauffage d’un logement de 100 m² pour une famille de 4 personnes. Nous restituons les principales conclusions que l’on peut tirer de l’étude spatialisées des émissions liées aux mobilités, que nous comparons aux émissions liées à la construction et l’exploitation du bâtiment. Ceci nous permet d’inclure la composante mobilités du quotidien à l’analyse en cycle de vie. En notes sont exposées en détail les données utilisées et les hypothèses de calcul.
1 Détermination des émissions liées l’habitat des ménages selon 3 postes : construction, exploitation, mobilités induites
Dans cet article nous nous intéressons à l’ensemble des émissions directes liées à la construction ou à la rénovation d’un logement :
- Premièrement, nous calculons les émissions dues à l’acte de construire ou de rénover un logement ainsi que celles d’entretien et de maintenance tout au long du cycle de vie du bien, sur une durée de 40 ans : il s’agit d’un poste « d’investissement », on émet une fois, et on comptabilisera à la date de mise en service du logement neuf ou rénové, les émissions de gaz à effet de serre liées au gros œuvre, au second œuvre et aux finitions. A celles-ci, s’ajoutent les émissions liées aux travaux d’entretien du logement et à son éventuelle démolition en fin de vie.
- Deuxièmement, nous calculons les émissions dues à l’énergie mobilisée pour chauffer, éclairer et ventiler le bien : ce sont les émissions de « fonctionnement » du logement, elles dépendent du type d’énergie employée, de l’isolation du bien et de sa surface.
- Troisièmement, nous nous appuyons sur l’étude mobilité menée sur le territoire du SCoT La Rochelle Aunis pour déterminer les émissions dues aux mobilités des personnes induites par la localisation du bien.
Pour calculer les émissions sur les postes de construction, de maintenance et d’exploitation :
- Parce que les données empiriques disponibles sont plus nombreuses et plus fiables, nous prendrons comme valeurs de référence celles de la maison individuelle, plutôt que du logement collectif, ce qui tend à surestimer les postes de construction, de maintenance et d’exploitation au regard de celui de la mobilité.
- Nous ne prendrons pas en compte l’impact des Voiries et Réseaux Divers construits dans le domaine public. Cette composante du bilan est pourtant non négligeable : dans le cas de logements construits en extension urbaine, l’aménagement de voies et espaces publics nouveaux, et la construction des réseaux de dessertes et branchement des nouveaux logements, sont source d’émissions. Ces émissions feront l’objet de travaux ultérieurs qui devront prendre en compte la part, dans les territoires étudiés, des logements produits en intensification et en extension urbaine. Cette hypothèse tend, contrairement à la première, à sous-estimer les postes de construction, de maintenance et d’exploitation au regard de celui de la mobilité.
1.1 Détermination des facteurs d’émissions pour les constructions neuves
Le poste de la construction englobe les émissions dues à l’édification du bâtiment, à sa maintenance et à son éventuelle démolition.
L’impact carbone des constructions est calculé en appliquant la méthodologie de calcul « Th-BCE 2020 » utilisée pour l’application de la (Méthode RE 2020 - Annexe II - méthode TH-BCE, 2022). Voici les hypothèses retenues :
- L’impact carbone est défini par la somme de « IC_construction_max » et « IC_énergie_max » pour une maison individuelle de 100 m² de surface de plancher, dont 40 m² de combles aménagés ;
- Dans la zone climatique H1c à une altitude inférieure à 400m ;
- Avec « Minfra » forfaitaire de + 13 kgeqCO2/m² ;
- Avec « Mivrd » forfaitaire de + 21 kgCO²2eq/m² ;
- Avec « Mided » forfaitaire de + 20 kgeqCO2/m².
Soit un plafond de 4,65 kgeqCO2/m²/an pour l’exploitation et 13,9 kgeqCO2/m² pour la construction et la maintenance, lorsque ces postes d’émission sont considérés sur une durée de vie de 50 ans.
Nous proposons une deuxième valeur pour les postes d’exploitation et de maintenance en nous appuyant sur les retours d’expérience du label Energie Positive et Réduction Carbone (E+C-). Une base en libre accès1 référence de nombreuses données sur les projets labelisés entre 2018 et 2020, et ayant servi à la préfiguration de la RE2020. Nous prendrons comme valeur de référence le facteur d’émission moyen des opérations de maisons individuelles ayant reçu le niveau Carbone 2 et les niveaux Energie 3 et 4 (les niveaux les plus élevés). Il s’agit des 34 opérations, contenant 104 logements, les plus performantes de la base.
1 Base E+C-
Le label d’État « Bâtiments à Énergie Positive et Réduction Carbone » ou label E+C-, a été lancé par le ministère du Logement en novembre 2016 pour préfigurer la prochaine réglementation environnementale (RE 2020). Il repose sur une nouvelle méthode de calcul et de nouveaux indicateurs pour évaluer non seulement la performance énergétique mais aussi la performance environnementale des bâtiments, dans le cadre d’une construction neuve. Une expérimentation nationale du label E+C- a été lancée pour définir les contours de la future réglementation thermique, en lien avec la qualité environnementale. Cette expérimentation a permis la création d’une base de données référençant tous les projets conduis sur la période 2018-2020. Lien
Ces 34 opérations innovantes permettent d’abaisser de 25% les émissions sur 50 ans par rapport à l’hypothèse RE2020.
Nous retiendrons les facteurs d’émissions suivant pour la construction d’une maison de 100m² :
Méthode RE2020 | Méthode E+C- | |
---|---|---|
Construction (teqCO2) | 69,5 | 52,6 |
Energie (teqCO2/an) | 0,465 | 0,424 |
Pour tous les calculs de la suite de cet article nous retiendrons la méthode empirique E+C- comme référence plutôt que le plafond de la méthode RE2020.
1.2 Détermination des facteurs d’émission pour les rénovations
Face à la diversité des situations possibles, nous nous appuierons sur la littérature pour déterminer les facteurs d’émissions moyens à retenir pour les rénovations. On suppose que le gros œuvre n’est pas modifié par la transformation : les rénovations étudiées se concentrent sur l’isolation du bâti (combles et murs) et comportent un changement de mode de chauffage.
Nous allons croiser deux méthodes, la première proposée par l’Observatoire de l’Immobilier Durable et l’autre en exploitant les données de l’ADEME à notre disposition.
La méthode développée par l’Observatoire de l’Immobilier Durable (Brunel et al., 2021) croisent plusieurs sources de données : le référentiel HQE (Optimisation et scénario Net Zero Carbon des cas génériques retenus, 2022) pour la répartition des lots travaux et la base INIES (INIES, 2023) pour les facteurs d’émissions moyens des matériaux employés. L’Observatoire construit ainsi un portrait-robot de rénovation très ambitieuse et en déduit les émissions liées à l’acte de rénovation, ainsi que le gain énergétique découlant de celle-ci.
Les émissions se répartissent comme suit :
- Des travaux en second œuvre pour un total de 135 kgeqCO2/m² ;
- Une isolation pour 170 kgeqCO2/m² ;
- Un changement de moyen de chauffage pour 95 kgeqCO2/m².
Cette rénovation permet une diminution des émissions annuelles dues aux énergies de 20 kgeqCO2/m² à 6,5 kgeqCO2/m², soit une baisse de 85%. Cette baisse semble difficile à atteindre et découle d’un programme de rénovation beaucoup plus ambitieux que ce qui est actuellement observé dans la pratique. De plus, il est à noté que cette méthode néglige les effets rebonds.
La seconde méthode se base sur les facteurs d’émissions provenant de la Base carbone® de l’ADEME2. Pour la rénovation : on suppose que le gros œuvre n’est pas modifié par la transformation (les émissions de la rénovation ne correspondent donc qu’à celles des deux corps d’état restant, discriminés par surfaces). L’impact de la rénovation est, en ordre de grandeur, deux fois moindre que celui de la construction neuve par an et par m².
2 Base carbone® v19 de l’ADEME
La Base Carbone® est une base de données publique de facteurs d’émissions, nécessaires à la réalisation d’un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et plus généralement tout exercice de comptabilité carbone. Elle est la base de données de référence de l’article 75 de la loi Grenelle II, relatif à l’obligation de réalisation d’un Bilan GES pour les entreprises de plus de 500 salariés, les établissements publics de plus de 250 agents et les collectivités de plus de 50 000 habitants. Administrée par l’ADEME, sa gouvernance est multi acteurs : 14 membres la composent tels que le Ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES), le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), le Réseau Action Climat (RAC), l’Association des Professionnels en Conseil Climat (APCC), etc. Son enrichissement est ouvert à tous via la possibilité de contributions externes.
3 Base des Diagnostics de Performance Energétique (DPE) de la Charente-Maritime
Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est un diagnostic réalisé en France sur les biens immobiliers. Il renseigne sur la performance énergétique d’un logement ou d’un bâtiment, en évaluant sa consommation d’énergie et son impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre. Les données DPE sont collectées et centralisées par l’ADEME, au sein d’un observatoire des DPE. Les DPE sont transmis par les diagnostiqueurs, au moyen de logiciels dédiés et dans un format adapté. Les données DPE actuellement disponibles remontent jusqu’à 2013.
Pour les émissions de gaz à effet de serre de l’exploitation des bâtiments, on utilise les données des Diagnostics de Performance Energétique (DPE) de la Charente-Maritime3. Ces données, et leur traitement statistique, ont été critiqués avec notamment 2 points entrainant des écarts qu’il est important de souligner :
la totalité du parc n’a pas subi de DPE depuis 2013 et certaines catégories sont sur-représentées dans la base, notamment les constructions neuves et les constructions rénovées ; les données mériteraient donc d’être redressées, mais ce biais est en partie corrigé par le fait que nous travaillons de façon différenciée sur le parc ancien et le parc neuf,
ces données sont produites par une multitude d’organismes poursuivant des objectifs différents et servant des intérêts parfois divergeant, notamment ceux des particuliers qui ont intérêt à ce que leur bien soit gratifié d’un diagnostic performant. Ces données sont donc en partie biaisées par la volonté de satisfaction du client de la part des diagnostiqueurs (Abdelouadoud, 2021).
Si ces données sont incomplètes et qu’il peut exister des erreurs de mesure ou des écarts méthodologiques entre diagnostiqueurs, elles ont pour intérêt d’être territorialisées et permettent notamment de rendre compte de l’influence du climat océanique tempéré caractérisant la Charente-Maritime.
Nous prendrons comme référence les émissions moyennes des bâtiments construits avant la première réglementation thermique et présentant un DPE B. Cet échantillon peut regrouper plusieurs situations : des rénovations énergétiques de bâtiments anciens ou des bâtiment jouissant, de par leur constitution, de bonnes performances énergétiques.
Nous retiendrons les facteurs d’émissions suivant pour une rénovation de 100m² :
Méthode OID | Méthode ADEME | |
---|---|---|
Rénovation (teqCO2) | 40,0 | 32,6 |
Energie (teqCO2/an) | 0,650 | 0,800 |
La méthode ADEME entraine une diminution de 16% sur 50 ans par rapport à la méthode OID. Nous prendrons comme référence la méthode ADEME pour la suite de l’étude.
1.3 En s’appuyant sur les données du modèle de mobilité, on détermine les émissions des ménages au carreau 200mx200m du territoire
Pour un ménage de 4 personnes, nous avons calculé les émissions dues aux mobilités quotidiennes des habitants du territoire du SCoT La Rochelle Aunis selon la méthode décrite dans cet article pour 4 communes représentatives du SCoT :
- La Rochelle, pôle centrale
- Dompierre-sur-Mer, commune périurbaine de deuxième couronne
- Yves, commune littorale
- Genouillé, commune rurale
Pour un ménage de 4 personnes |
Kilomètres parcourus | EGES |
---|---|---|
La Rochelle | 15 666 km | 3,4 teqCO2 |
Dompierre-sur-Mer | 28 459 km | 6,2 teqCO2 |
Yves | 42 007 km | 9,2 teqCO2 |
Genouillé | 67 559 km | 14,7 teqCO2 |
Ce calcul met en évidence d’importantes variations (rapport de 1 à 4) pour les émissions dues aux mobilités quotidiennes selon la localisation des ménages.
1.4 Limites de la méthodologie mise en place
Le travail réalisé présente plusieurs limites de méthode :
- Sur la détermination des émissions liées à la construction ou de l’acte de rénovation, de vaste incertitudes modélisatrice subsistent. Même si de grands efforts ont été fourni pour structurer des bases de données de fournisseurs de matériaux et pour construire une méthodologie, nous manquons de données empiriques permettant de mesurer à posteriori l’impact carbone global d’une construction.
- Les effets rebonds sont négligées dans notre étude : ce phénomène est pourtant observé lorsque les économies d’énergie, attendues grâce à l’utilisation d’une ressource ou technologie plus efficace énergétiquement, ne sont finalement pas obtenues en raison d’une adaptation des comportements. Or une large littérature commente les effets rebonds de la rénovation du parc de logement Allemand qui, malgré des investissements substantiels, n’a pas mené à une diminution des consommations d’énergie par les ménages (Daten und Trends der Wohnungs-und Immobilienwirtschaft 2019/2020, 2020).
- Pour la construction et la rénovation, nous avons toujours retenu les hypothèses les plus favorables à 40 ans : certes ces hypothèses reviennent à sous-évaluer les émissions des postes de construction et rénovation tels qu’ils sont pratiqués actuellement. Mais l’application en cours de la RE2020, et l’ensemble des démarches entreprises par les acteurs de la construction, rendent réaliste cette hypothèse à court terme. On peut par contre questionner la pertinence de postuler, par convention, une déconstruction systématique des bâtiments à 50 ans, qui conduit, cette fois, à une surestimation des émissions.
- Pour la mobilité, nous avons raisonné à comportements et technologies constants. De grandes incertitudes subsistent, par exemple quant à la capacité de réalisation d’une l’électrification du parc automobile. Il s’agit d’une hypothèse simplificatrice qui se justifie au regard des temporalités de l’étude.
- Nous avons raisonné à ce stade à consommation de surface constante par type de ménage, alors que le marché contraint la consommation des ménages dans les lieux centraux, et que l’on constate que les rénovations tendent à impliquer de plus grandes surfaces.
- Les émissions dues aux mobilités quotidiennes d’un ménage de 4 personnes sont déduites des émissions moyennes par individu et par commune. Or des variations existent au sein d’une même commune selon la nature du ménage et des revenus des personnes.
2 Du point de vue des émissions de gaz à effets de serre, le choix de la localisation d’un logement a un impact de 1,4 à 6,1 fois plus fort que sa construction, sa maintenance et son exploitation cumulées
Nous allons, dans cette partie, réaliser les bilans carbones d’un échantillon de plusieurs choix de mode d’habitation pour un ménage de 4 personnes, en faisant varier la localisation et le type de projet (rénovation ou neuf). Nous déterminerons ainsi l’impact de la localisation de leur logement sur les émissions globales.
On prendra par convention une durée d’observation de 40 ans pour les émissions d’exploitation, de construction et de mobilités du quotidien. Nous intégrons également que la taille du ménage varie au cours de cette période : nous considérons que le ménage compte effectivement 4 personnes pendant 18 ans puis deux personnes pendant les 22 années suivantes, soit 2,9 personnes en moyenne sur la durée totale.
2.1 Pour un ménage de 4 personnes, la mobilité pèse entre 59% et 86% des émissions globales de CO2 liées à l’habitat et sa localisation
En sommant, année par année, les émissions liées à la construction (émissions comptées en année 1), à l’exploitation et à la maintenance, et aux mobilités du quotidien, on peut dresser des portraits, pour chaque commune et chaque type de ménage, des émissions d’un logement neuf sur 40 ans.
On constate ainsi que le poste « mobilité » pèse, sur 40 ans, 59% du bilan carbone global du logement à La Rochelle, 72% à Dompierre-sur-Mer, 79% à Yves et 86% à Genouillé.
La Rochelle | Dompierre | Yves | Genouillé | |
---|---|---|---|---|
Mobilités | 99 teqCO2 | 180 teqCO2 | 266 teqCO2 | 427 teqCO2 |
Construction | 53 teqCO2 | 53 teqCO2 | 53 teqCO2 | 53 teqCO2 |
Exploitation | 17 teqCO2 | 17 teqCO2 | 17 teqCO2 | 17 teqCO2 |
Total | 169 teqCO2 | 249 teqCO2 | 335 teqCO2 | 497 teqCO2 |
Les émissions globales d’un logement neuf pour le ménage étudié à La Rochelle émet 2 fois moins de CO2 sur son cycle de vie qu’à Yves et 2,9 fois moins qu’à Genouillé. Du point de vue d’un ménage qui désirerait abaisser de façon quantitative son bilan carbone, il semble donc bien plus avantageux d’implanter son logement neuf proche du centre de La Rochelle que dans le périurbain.
2.2 Construire un logement neuf pour un couple avec enfants à La Rochelle est plus vertueux que de rénover un logement à Yves dès la 5e année.
Comme on l’a vu en introduction, les méthodes usuelles de détermination des émissions territoriales ne permettent pas de décrire le caractère systémique des décisions prises par les acteurs, notamment les ménages.
Elles mènent pour la plupart à des conclusions identiques qui sont la conséquence du caractère sectoriel de leurs analyses : diminution du poste de construction neuve, en faveur de la rénovation du bâti existant, moins émissive, diminution du poste de mobilité en privilégiant les modes alternatifs et en misant sur un remplacement des moteur thermiques par des moteurs électriques, et un fort investissement public dans les transports en commun.
Cette approche décorrélée conduit à une vision qui fige la géographie du bâti, et donc la distribution de la population dans son état actuel ou prolongé. Elle cache les leviers consistant à réduire la demande de mobilités très couteuse en tCO2 dès lors qu’on s’éloigne des zones denses (Lempérière et al., 2024) par la construction de logements bien localisés, peu couteuse en tCO2.
Si une rénovation est plus vertueuse, toutes choses égales par ailleurs, qu’une construction neuve, qu’en est-il de la comparaison de la construction d’un logement neuf bien situé avec la rénovation d’un logement existant plus excentré ?
Nous avons procédé à la comparaison d’une construction neuve à La Rochelle à la rénovation d’un logement à Yves et Genouillé. Le graphique ci-dessous représente les émissions cumulées sur 40 ans par un couple avec enfants.
On remarque que même si les émissions initiales sont plus importantes dans le cadre de la construction neuve d’un logement à La Rochelle plutôt que dans le cadre d’une rénovation à Yves ou Genouillé, les courbes se croisent dès la 3e année à Genouillé, et dès la 5e année à Yves.
Dompierre-sur-Mer | Yves | Genouillé |
---|---|---|
8,3 ans | 4,4 ans | 2,4 ans |
Soulignons que ces résultats sont obtenus à surfaces de plancher constantes, alors que dans la réalité, les ménages tendent à rénover des surfaces plus grandes celles qu’ils auraient pu construire en neuf dans la ville centre, ce qui conforte les résultats de notre étude : la rénovation est loin d’être systématiquement plus vertueuse que la construction neuve si l’on prend en compte la mobilité induite par la localisation du logement dans son bilan carbone.
Réutilisation
Citation
@online{lempérière2023,
author = {Lempérière, Paul and Miet, David and Parodi, Maxime and
Pouvreau, Lucas and Stulhfauth, Valentin and Timbeau, Xavier},
title = {Sur le cycle de vie d’un logement, les émissions de mobilité
induites par sa localisation sont très largement supérieures à
celles liées aux postes de construction, de maintenance et
d’exploitation cumulés},
date = {2023-04-11},
url = {https://publications.vv.energy/la-rochelle-aunis-construction-renovation.html},
note = {pre-print},
langid = {fr}
}